
Il en est des coquilles en traduction comme de cadeaux de Noël, selon la période de l’année, certaines se suivent et s’enfilent comme des perles pour devenir un collier qui peut amuser, mais qui fait surtout grincer des dents quand on y réfléchit un peu. Car, dans un contexte de marché mondialisé soumis à une concurrence féroce, on peut se demander sur quel plan qualitatif les grandes entreprises commerciales veulent communiquer et si l’abondance d’écrits médiocres ne va pas entraîner une baisse de qualité générale. Voici quelques réflexions générales et mon retour sur une expérience récente.
Le colis qui venait du bout du monde
Ce matin-là, j’attendais avec impatience un coffret à tiroirs en acrylique, afin de pouvoir ranger certains de mes bijoux fantaisie. Comme prévu, le colis fut livré, bien emballé et dans un état impeccable. Il faut préciser la commande avait été passée sur une très grande enseigne de vente sur Internet et que mon coffret avait été fabriqué en Chine. J’avais cherché un objet identique fabriqué moins loin, en vain. Au fond de l’emballage, une feuille en anglais avec quelques explications concernant l’entretien dudit coffret.
J’y jetais un œil par acquis de conscience et je découvris un florilège de traductions approximatives.
En voici un premier extrait :
Les anglophones apprécieront. Le deuxième extrait ne vaut pas mieux :
De toute évidence, le mode d’entretien, probablement en chinois, avait été traduit en mauvais anglais par un traducteur de nature indéterminée (homme, cyborg, machine ?). Les grandes enseignes de distribution internationale font souvent « l’effort » de s’exprimer dans la langue du pays dans lequel se trouve le consommateur, mais parfois (surtout quand l’enseigne ne fait que servir de relais de commerce) la langue laisse franchement à désirer.
Vers un appauvrissement de l’expression écrite ?
Après avoir ri (un peu jaune), je me demandais où tout cela pouvait bien mener. Il est en effet indéniable que l’expression écrite évolue (et c’est le lot de toutes les langues vivantes), mais pas forcément vers un enrichissement. Avec des échanges commerciaux essentiellement réalisés par des locuteurs non natifs, on va le plus souvent à l’essentiel, sans fioriture. Le volume des échanges commerciaux est de plus en plus important et le temps pour réaliser la communication de plus en plus réduit, ce qui ne va pas dans le sens de la qualité, pour des raisons pratiques. Nous sommes donc de plus en plus exposés à une langue approximative, à tel point que beaucoup ne le remarquent plus. Non seulement la langue laisse à désirer, mais certains modes d’emploi contiennent des erreurs. Vous savez : « le fil rouge sur le fil rouge et le fil bleu sur le fil bleu. – Mais il n’y a qu’un fil marron, chef ! »
Le règne du tout jetable ?
J’ai parfois l’impression qu’on est arrivé à un point où, du moment que l’on comprend à peu près comment fonctionne l’objet, cela n’a plus d’importance. De toute façon, ce que l’on achète à bas prix n’a que peu valeur et si le mode d’emploi est mal fichu, on jette l’objet sans plus se poser de question, sans chercher à savoir s’il n’y a pas simplement une simple erreur dans le mode d’emploi. De toute façon, le fabricant ne prend même plus la peine de faire traduire le mode d’emploi correctement, car cela revient trop cher. Ce qui compte pour lui, c’est le volume d’objets vendus. Produire toujours plus, pour vendre plus. Ce phénomène d’appauvrissement est aussi visible dans nos lectures quotidiennes. Nous nous trouvons parfois confrontés à ces approximations, y compris dans les quotidiens réputés. Beaucoup n’y voient souvent rien à dire puisque « tout le monde fait comme ça ».
Peut-on inverser la tendance ?
C’est la question que se posent pas mal de personnes travaillant dans la communication. Pour un certain nombre, il y va de leur survie professionnelle. La concurrence devient de plus en plus féroce et la course aux rendements prime bien souvent sur tout le reste. Il est clair que les fabricants commencent par tailler dans ce qui leur semble « accessoire », c’est-à-dire la communication autour de leur produit avant de tailler dans le « vif », le produit lui-même. Une mauvaise communication écrite autour d’un produit peut être le reflet de sa qualité intrinsèque. J’espère que mon coffret à bijoux échappera à cette logique.
Comment préserver une certaine qualité de communication écrite, alors que le consommateur en veut toujours plus pour toujours moins cher ? Il ne réalise pas forcément qu’acheter un produit à très bas prix va finalement lui coûter plus cher, car il devra le faire réparer (quand il est réparable) ou le remplacer plus rapidement. Pour beaucoup, la logique économique prend le pas sur tout le reste. Cette tendance se voit aussi au niveau de la communication concernant les produits vendus. Il semble toutefois que cette logique commence à trouver ses limites et qu’une nouvelle façon de consommer émerge. Espérons qu’une prise de conscience des différents acteurs inversera la tendance et que les fabricants comme les consommateurs redeviendront raisonnables.